PRATIQUES PROMETTEUSES
Un balado sur la santé mentale et les dépendances
Épisode 11 : Nouveau-Brunswick
Épisode 11 : Modèle d’encadrement clinique de la Péninsule acadienne (N-B)
2 juin 2021 – Le modèle d'encadrement clinique primé du Nouveau-Brunswick aide à fournir de meilleurs services de santé mentale aux jeunes qui ont des besoins complexes. Il permet une approche stratégique qui vise à déterminer les interventions cliniques qui répondent le mieux aux besoins de la jeune personne et de sa famille.
Notes d’épisode :
Ressources destinées aux Acadiennes
- Réseau de santé Vitalité – consultez le vitalitenb.ca/fr
- Ligne d’écoute pour la Maison Ted – composez le 1 877 450-3365
- Ligne d’écoute pour Le Gouvernail – composez le 506 336-3990
Autres ressources
- Ligne d’écoute Chimo – consultez le fr.chimohelpline.ca ou composez le 1 800 667-5005
- Les familles d'accueil thérapeutiques – consultez le gnb.ca/content/gnb/fr/services/services_renderer.10155.Services_r%C3%A9sidentiels_pour_enfants_-_Foyers_d_accueil.html
- Service canadien de prévention du suicide – composez le 1 833 456-4566
- Jeunesse, J’écoute – composez le 1 800 668-6868
Loretta O’Connor : Bonjour et bienvenue à nouveau dans le balado Pratiques prometteuses sur la santé mentale et les dépendances, produit par les premiers ministres des provinces et territoires. Nous voilà rendus à notre onzième épisode où nous partageons les pratiques prometteuses qui ont cours dans chaque province et territoire.
Je suis Loretta O’Connor, directrice générale du Secrétariat du Conseil de la fédération, un organisme qui appuie le travail des premiers ministres des provinces et territoires.
Aujourd’hui, nous visiterons la Péninsule acadienne, une région rurale du nord-est du Nouveau-Brunswick, qui doit son nom à l’importante population acadienne qui y vit. Les Acadiens sont une minorité francophone dynamique, connue pour leur musique et leur culture uniques au monde, leurs délices du terroir et leur solide sentiment d’appartenance communautaire.
Nous allons d’abord accueillir le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, qui nous parlera du succès du Modèle d’encadrement clinique de la Péninsule acadienne pour une bonne santé mentale chez les enfants et les jeunes.
Premier ministre Blaine Higgs : Bonjour, je m'appelle Blaine Higgs et je suis le premier ministre du Nouveau-Brunswick. Je suis heureux de participer, avec les autres premiers ministres des provinces et des territoires, à une série de balados sur la santé mentale et les dépendances, qui est organisée par le Conseil de la fédération. Ma ministre de la Santé Dorothy Shephard et notre équipe de santé mentale et de traitement des dépendances du ministère de la Santé participent également au balado. Notre balado est unique car il met en vedette des gens du Nouveau-Brunswick qui ont joué un rôle ou qui ont reçu des services de soutien dans le cadre d'un mandat et d'un encadrement clinique dans la Péninsule acadienne. Le Modèle d'encadrement clinique aide à fournir de meilleurs services aux gens qui ont des besoins complexes, en offrant une meilleure supervision et un soutien optimal à leurs parents et aux adultes qui s'occupent d'eux tous les jours. Il permet d'avoir une approche stratégique qui vise à déterminer les interventions cliniques qui répondent le mieux aux besoins d'un jeune et de sa famille.
Le Nouveau-Brunswick a récemment eu des situations de crise du côté des soins en santé mentale. Le Modèle d'encadrement clinique est un pas dans la bonne direction pour améliorer la santé, l'accès et les soutiens en interventions en ce qui concerne la population dans la province. De 2014 à 2016, comparé à 2017 à 2018, nous avons constaté des améliorations dans la réduction des méfaits et les interventions depuis la mise en place de ces modèles. Voici quelques indicateurs clés. Les interventions policières concernant des gens qui habitent dans des foyers de groupe ont diminué de 65 % dans la région. Le nombre de gens avec des besoins complexes qui se trouvent devant les tribunaux a diminué de 50 %. Le nombre de transports en ambulance pour des gens qui risquent de se faire du mal ou de faire du mal aux autres a diminué de 82 %. Et le nombre d’hospitalisations en raison de troubles psychiatriques a diminué de 65 %.
Dans le balado d'aujourd'hui, vous allez entendre des membres de notre équipe clinique, des partenaires de la santé et des familles qui ont participé au programme. Je suis fier de vous communiquer ces renseignements précis concernant le Modèle d'encadrement clinique du Nouveau-Brunswick et ses retombées positives sur nos communautés.
Loretta O’Connor : Merci premier ministre Higgs d’avoir expliqué comment le Modèle d’encadrement clinique aide à la bonne santé mentale des enfants et des adolescents.
J’aimerais rappeler à tous nos auditeurs que si vous vivez des difficultés ou si c’est le cas pour une personne que vous connaissez, de l’aide est disponible. Vous pouvez appeler la ligne d’aide CHIMO du Nouveau-Brunswick en composant le 1 800 667-5005, ou consulter le fr.chimohelpline.ca . Vous pouvez aussi communiquer avec la ligne d’aide pour enfants Kids Help Phone, au 1 800 668-6868 ou le Service de prévention du suicide du Canada, au 1 833 456-4566.
Nous allons maintenant entendre des gens de la Péninsule acadienne qui jouent un rôle clé dans l’élaboration et l’utilisation du Modèle d’encadrement clinique. Des travailleurs sociaux aux psychologues, en passant par les membres d’une même famille qui ont été touchés par le programme – ensemble, leurs voix et leur histoire brossent un tableau convaincant de l’efficacité de cette pratique prometteuse.
Danièle Loubier : Bonjour, je m'appelle Danièle Loubier. Je suis psychologue en santé mentale et à l'équipe enfants-jeunes de Tracadie pour le Réseau de santé Vitalité. J’ai aussi le rôle de consultante clinique auprès de l’établissement thérapeutique Le Passage. Le développement du Modèle d'encadrement clinique a été rendu possible grâce à la prestation de services intégrés, la PSI, qui a favorisé la collaboration nécessaire entre les ministères et entre les partenaires. On a commencé à réfléchir à la façon de mieux répondre aux besoins complexes et coûteux chez certains de nos enfants et de nos jeunes; ceux qui, avant, devaient parfois s'exiler dans des ressources à l’extérieur du Nouveau-Brunswick, loin de leur communauté, loin de leur réseau de soutien et de leur école, des professionnels avec qui ils avaient développé des liens de confiance. Les intervenants des établissements résidentiels, les parents, les familles d'accueil se retrouvaient souvent à accompagner des enfants et des jeunes sans avoir la structure appropriée. On savait que, si on arrivait à relever le défi, nos enfants et nos jeunes à besoins complexes pourraient profiter de placements et de ressources dans leur propre communauté, en restant proche de leur réseau et de tout leur personnel de soutien. L'idée d'avoir des équipes de travail entourant ces enfants et ces jeunes, construites sur mesure pour chacun d'eux, a pris naissance.
Pour la rédaction du modèle, un partenariat est ensuite allé plus loin entre le Développement social, avec Stéphane Noël et Sonia Ferguson, et moi-même du Secteur de la santé mentale et de l'équipe enfants-jeunes. Le travail s'est élaboré, au début, à partir des idées qui étaient venues du travail précédent qu'on avait fait avec Le Passage ou le Complexe Savoie. Le Modèle d'encadrement clinique pour les enfants et les jeunes présentant des besoins complexes a ensuite commencé à prendre forme. Avec le temps, il y a d'autres partenaires aussi qui nous ont accordé leur confiance, comme les familles d'accueil thérapeutiques, Le Gouvernail, la Maison Ted, et cetera.
Ce qu'on rêvait d'atteindre, c'était un modèle d'encadrement où les parents allaient se sentir essentiels à la compréhension des besoins des jeunes et essentiels aux décisions aussi; ou à ce que les jeunes et les enfants allaient pouvoir parler eux autres mêmes de leurs idées et de leurs opinions chaque fois qu'ils allaient s'en sentir capables, en participant aux discussions d’équipes. Les partenaires aussi, à tous les niveaux, allaient pouvoir se soutenir par rapport à toutes les étapes de l’accompagnement; donc un modèle aussi où les forces des jeunes, des enfants, les forces de leur famille, de leur réseau et les forces de la communauté pourraient faire partie des solutions. Avec un modèle comme ça, on allait se donner, on le souhaitait, les moyens d'être stratégique à tous les niveaux, même au niveau des réponses aux situations de crise. On pourrait surtout situer au centre de la table non pas des êtres humains, comme un enfant, un jeune ou une famille, mais des besoins complexes, des dynamiques complexes. L'idée d'équipe organisée sur mesure pour chaque enfant et chaque jeune nous était déjà venue, comme je l'ai dit tantôt, du travail qu'on avait fait avec Le Passage et le Complexe Savoie.
Avec le modèle, on a développé le langage des équipes de consultation clinique, ou des ECC. C'est des équipes qui sont devenues une des façons de rendre le modèle opérationnel. Donc, dès son placement dans un établissement thérapeutique, une ECC est organisée sur mesure pour le jeune ou pour l'enfant. Il va lui-même faire partie de cette équipe, avec ses parents. Et au besoin aussi, il y a des personnes de son milieu naturel. La fréquence des rencontres de l'ECC est définie par les membres de l'équipe en fonction de l'intensité des besoins présents dans la situation ou si encore une situation d'urgence se produit. L'ECC est devenue le moyen idéal pour planifier le retour d'un jeune ou d'un enfant aussi dans sa communauté. On a réalisé aussi que cela l'aide à pouvoir avoir accès à des services de ressources d'évaluation ou des services de traitement à l'extérieur de sa région. L'ECC joue un rôle dans le succès de toutes les transitions, que ce soit d'une ressource à l'autre, d'un service à l'autre ou une transition vers une étape de vie, comme un jeune qui va atteindre l'âge de 19 ans. L'ECC nous permet de développer une connaissance appropriée des besoins et des caractéristiques de l'enfant ou du jeune et les caractéristiques aussi de son milieu de vie.
Donc, le modèle, quand il est appliqué avec le respect de ces valeurs profondes, a le pouvoir de changer l'expérience de placement pour toutes les personnes que cela concerne. Il est primordial, à mon avis, d'accorder à la gestion du modèle toutes les ressources humaines qui sont nécessaires pour cela. Les résultats que mes collègues vont vous présenter tantôt sont proportionnels au respect qu'on accorde à toute la démarche du modèle. Je pense profondément que les enfants et les jeunes envers qui la vie a été si dure et affligeante méritent une réponse organisée qui corresponde à leurs grands besoins d’aujourd’hui.
Roland Landry : Bonjour. Moi, c'est Roland Landry. Je suis travailleur social au Centre de bénévolat de la Péninsule acadienne. Ça fait au-delà de 30 ans que je travaille au Centre de bénévolat. Je suis aussi le gestionnaire par rapport au programme Le Passage. Le Passage, c'est un milieu résidentiel pour les enfants qui sont accueillis par le ministère du Développement social. On accueille des enfants avec des besoins complexes et de grands défis. On accueille des enfants qui peuvent avoir le syndrome d'alcoolisme fœtal, qui peuvent avoir le syndrome de Gilles de la Tourette. On a des autistes avec des troubles d’Asperger aussi. On a souvent accompagné de nombreux diagnostics avec des retards intellectuels. On travaille aussi beaucoup avec le modèle ARC du Centre d'excellence, où on travaille beaucoup au niveau avec les codes, maintenant, avec les enfants avec des troubles d'attachement puis les enfants qui ont vécu des traumas. Parce qu’on sait que la majorité de nos enfants, on vit beaucoup de traumas par rapport à l'enfance et par rapport à la santé mentale.
C'est sûr que Le Passage est là, ça fait à peu près 35 ans. Moi, comme je vous disais tantôt, ça fait 31 ans que je suis impliqué. On avait, au tout début, on mettait de la structure et de l'encadrement. Pour beaucoup, au Passage, c’est quelque chose qui remplit un grand besoin, qui sécurise l’enfant et lui permet de cheminer. Mais on travaillait fort, mais on avait peu d'outils et de moyens pour travailler avec l’enfant au niveau de l'aspect thérapeutique. L'arrivée des équipes de consultation clinique, nos fameuses ECC, ont changé vraiment le visage et l'orientation du Passage en lien avec l'amélioration totale au niveau des besoins thérapeutiques de l'enfant puis des besoins au niveau des familles naturelles qui accompagnent les enfants.
Les programmes au niveau du modèle d’ECC, vous savez, la majorité de nos enfants viennent du – c’est des enfants qui sont accueillis du Développement social, mais ils ont tellement de besoins complexes que ces enfants étaient aussi accompagnés par rapport à la santé mentale. Donc, la santé mentale, on travaillait, dans le passé, vraiment plus en silo. En santé mentale, le psychologue ou l’intervenant pouvait suivre l’enfant. Mes intervenants, on essayait de faire un plan thérapeutique, mais ce n'était pas en connivence avec la santé mentale. Le scolaire, eux autres, du meilleur qu’ils pouvaient, décidaient que l’enfant allait deux heures à l’école, une heure, une demi-heure… Tout le monde prenait des décisions de son côté.
L'arrivée des ECC, pour moi, avec l’expérience que j’ai acquise au cours des années, c'est le plus beau des modèles qui puisse nous arriver dans l’accompagnement pour aider les enfants. Il ne s’agit pas juste de leur donner une structure ou un encadrement de vie; c’est de pouvoir guérir leurs blessures, de pouvoir les aider à mettre des outils et des moyens en place qui peuvent les aider dans leur cheminement thérapeutique. La procédure habituelle qu'on va faire par rapport à l’ECC, les membres de cette équipe doivent s'assurer que les interprétations et les orientations adoptées seront continuellement remises en question, soit pour s'ajuster aux réactions manifestées par les enfants, ou les parents, aux évènements de vie auxquels ils sont confrontés, à leur mouvement régressif comme progressif, soit pour s'ajuster aux nouvelles connaissances théoriques et cliniques. L'équipe doit apprendre à composer avec l'incertitude qui accompagne les changements constants.
C’est sûr qu’on avait tendance à vouloir prendre l’enfant pour qu’il s'adapte à notre milieu. Maintenant, on doit adapter notre milieu à l'enfant. Puis dans nos équipes de consultation clinique, les membres, on peut avoir – on a l'occasion d'avoir, au niveau de la santé mentale, une psychologue qui nous accompagne, qui est là au niveau de nous aider dans l'orientation clinique du dossier. On peut avoir aussi le psychologue qui est suivi par le Développement social qui peut s'intégrer aussi. On a d'autres membres de la santé mentale comme intervenants. Ces membres-là, souvent, aussi, nous aident énormément pour avoir accès au psychiatre. Souvent, le psychiatre suit nos enfants et on n'a plus accès au psychiatre. Avec les membres, lorsqu'on vit une problématique avec l'enfant, aux trois semaines on fait nos rencontres d’ECC. Puis souvent, les intervenants, eux, peuvent avoir une connexion beaucoup plus directe et amener des rapports au psychiatre, qui peut faire l’ajout et l'ajustement au niveau de la médication des enfants.
On a aussi les conseillers qui assistent à ces réunions cliniques. On peut avoir un TS3 du Développement social. On peut avoir surtout ce qui est important : l'enfant, les parents. On peut avoir aussi la famille élargie. Ce peut être les grands-parents ou tout membre significatif, des membres élargis, de la famille élargie ou d’autres membres de la communauté peuvent participer à nos rencontres. On a des membres des équipes EJ qui font un plan commun. Le plan commun, je trouve que c’est quelque chose d'extrêmement pertinent. Parce qu’on est beaucoup. On peut se retrouver à 7, 8, 10, 12 autour d'une table, à discuter et à réviser le plan thérapeutique de l'enfant. Le plan commun, lui, définit les rôles de chacun. La santé mentale, c'est la psychologue qui doit faire ses rencontres. Elle peut dire ce qu’elle a travaillé avec l'enfant. Si c'est l’ergo qui est impliqué, bien, l’ergo peut nous dire où il est rendu, comment on peut travailler et continuer en mettant l’ergo et les outils thérapeutiques à notre foyer. Là on peut faire des alliances et des cheminements thérapeutiques qui se font à partir de toutes ces ressources que l’on rejoint et que l’on rassemble tous ensemble.
La durée de ces rencontres se passe entre une heure et demie et deux heures et demie. Normalement, la première heure va se discuter entre les intervenants à définir vraiment le plan et l'orientation. Dans la deuxième heure, on va inviter la famille et l'enfant pour définir vraiment l'orientation et qu'est-ce qu'on pense thérapeutiquement et pour avoir l'avis des parents. L'aspect thérapeutique de ça, au niveau de nos enfants, avec les grands défis qu’ils ont, nous aide énormément.
Nos petits amours, les petits enfants qu’on a sous notre responsabilité ont tellement maintenant de grands défis. Dans les années 1990, on travaillait avec le TDAH et l'hyperactivité, et pour nous autres c’était la problématique. Maintenant on n’en parle plus. C’est le quotidien de nos enfants qui peuvent avoir ces symptômes où vivre au niveau de troubles d'hyperactivité. On a des problématiques beaucoup plus grandes au niveau des troubles de l'attachement et les traumas que les enfants vivent. C'est tellement complexe que ça prend toute une grosse équipe autour de ces enfants pour pouvoir les aider à amener des outils d'apaisement, de pouvoir guérir certaines blessures de ces enfants, de pouvoir les orienter, les outiller pour leur futur, leur donner des moyens et des outils qu’ils puissent grandir, et guérir certaines de leurs blessures.
Les parents, souvent, lorsqu’on peut les avoir, la majorité du temps, lorsqu’on peut avoir la famille biologique ou la famille élargie ou la famille d'accueil, on veut les avoir avec nous autres à nos rencontres d’ECC. D’un, cliniquement, on peut accompagner aussi les familles. Et de deux, bien, c’est pour que tout le monde ait le même langage de travailler autour de l’enfant. Et ça, au niveau clinique, au niveau thérapeutique, c'est un outil essentiel que tout le monde, on sait qu’est-ce qui est notre rôle à chacun, on sait qu’est-ce qu’on travaille, on ne fait pas de duplication de services, donc on sauve un temps énorme. Le scolaire, on peut des fois, même nos intervenants vont impliquer, ils vont aller travailler à l'école directement. Parce que le scolaire, des fois, ça peut arriver qu’ils n’ont pas d'intervenant qui peut accompagner l'enfant sur l’heure de la récréation ou des choses de même. Donc là, le travail de collaboration avec la communauté et les autres ressources de la communauté dans le scolaire peut se faire et se fait de façon vraiment positive au niveau de nos enfants, dans l'accompagnement que l'on doit faire.
Ça fait que, pour moi, ce que je fais, ce que je recommande, c'est sûr que l'aspect thérapeutique des équipes de consultation clinique est extrêmement important. Des fois, les gens vont se plaindre que ça peut durer longtemps. Non, on économise beaucoup de temps. On a économisé beaucoup. On a fait des évaluations à travers du Modèle d'encadrement clinique, ce que cela avait comme impact avec les équipes ECC, et on sauvait beaucoup au niveau des hospitalisations, au niveau de la psychiatrie, au niveau d'amener nos enfants dans d'autres ressources à l'extérieur de notre région. On a économisé beaucoup, beaucoup de temps et de mobiliser d'autres ressources, parce qu’on travaille tous en partenariat pour répondre aux besoins de nos enfants.
Donc, en résumé, c'est un peu ce qu’on avait à jaser par rapport aux équipes de consultation clinique, où est-ce que c'est dans le Modèle d'encadrement clinique. On a aussi l'occasion qu'on peut se rendre aux équipes d’ECI où on va les rencontrer – les équipes intégrées –, où eux autres peuvent aussi nous amener dans des orientations cliniques beaucoup plus avancées ou d'autres ressources, si on ne réussit pas à répondre à tous les besoins de nos enfants. Mais de travailler en partenariat entre les ressources, c'est la plus belle des choses qu'on puisse faire pour aider nos enfants de la communauté, thérapeutiquement et cliniquement, encore une fois.
Sonia Ferguson : Bonjour. Je me présente, Sonia Ferguson, travailleuse sociale au ministère du Développement social. Je fais partie de l’équipe et je suis l'une des créatrices du Modèle d'encadrement clinique pour enfants et jeunes. Je suis la consultante clinique pour les familles d'accueil et les parents naturels lorsque le jeune fait la transition dans son milieu naturel.
En janvier 2019, il y a eu une évaluation de la performance du Modèle d’encadrement clinique par le Réseau de santé Vitalité. Je vais vous présenter les résultats quantitatifs de la performance. Un total de 49 jeunes à besoins complexes a servi à l'étude, couvrant une période de quatre ans avant et après l'application du Modèle d’encadrement clinique. Les résultats quantitatifs de cette évaluation indiquent que les situations de ces jeunes aux besoins complexes, une fois encadrées par le modèle, ont permis d'atteindre une diminution en ce qui concerne le nombre d’implications policières, une diminution de l'implication du système de justice pénale, une diminution du nombre de transports par ambulance et une diminution du nombre d'hospitalisations psychiatriques.
Plusieurs types de placements sont disponibles pour les jeunes qui ont des besoins complexes dans la Péninsule acadienne. Nous travaillons en collaboration pour offrir la ressource qui répondra le mieux aux besoins du jeune et qui pourra représenter la plus faible intensité de placements possible. En parallèle de l'étude, nous avons aussi observé d’autres résultats positifs, soit l'amélioration au niveau académique, diminution de la médication, de meilleures habilités sociales, et cetera. L'évaluation de la performance nous a poussés à réfléchir et définir plus clairement la définition du succès. Le succès de la démarche de placement et de l'encadrement clinique y est donc relié et défini non pas par un retour de l'enfant dans sa famille naturelle – cet objectif peut parfois être impossible à atteindre –, mais par le rétablissement des relations saines entre le jeune et sa famille naturelle ou un réseau de personnes significatives.
Le succès est aussi démontré lorsque le jeune a développé la capacité à s'engager dans un processus d'apprentissage académique efficace et correspondant à son potentiel, lorsque son fonctionnement adaptatif est amélioré, lorsqu’il démontre une meilleure capacité d’autorégulation et un profil de comportement approprié pour son niveau de développement, lorsqu'il est arrivé à développer une capacité d'attachement plus saine, lorsqu'il se sent suffisamment sécure pour reprendre le cours de ses étapes de développement, comme le langage, l'autonomie, motricité, la socialisation, et cetera.
Le Modèle d'encadrement clinique et l’approche visant à entourer le jeune et sa famille des soins et de l'accompagnement approprié représentent le véhicule idéal quand vient le moment de diffuser une nouvelle approche basée sur des données probantes, comme par exemple le modèle ARC, c'est-à-dire « l'attachement, régulation et compétences » pour les jeunes ayant subi des traumas. Les ECC facilitent le transfert d'apprentissage, ce qui s'avère être un investissement important dans les situations complexes auprès des personnes qui resteront impliquées à long terme auprès de l’enfant-jeune.
Une grande emphase est placée sur la diminution du risque de placement à long terme et le retour du jeune dans son milieu le plus rapidement possible. Le modèle accorde ainsi de l'importance à l’accompagnement qui est nécessaire à la réussite de la période de transition en établissement thérapeutique, c’est-à-dire des foyers clos, et l'arrivée de l’enfant et du jeune en famille d'accueil ou dans sa famille biologique. Cette démarche est réalisée pour le maintien de l'accompagnement par les ECC, la composition de l'équipe étant ajustée selon le nouveau contexte de vie du jeune ou de l’enfant. Lorsque l'anxiété de tous se fait rassurante quant à la transition du jeune dans son milieu familial, les ECC sont maintenues régulièrement et s'assurent d'entendre la voix du jeune et de la famille dans leur plan commun. Merci.
Gisèle Breau : Bonjour. Je m'appelle Gisèle Breau. Je suis la directrice générale du Foyer Le Gouvernail incorporé et de la Maison Ted à Shippagan depuis les 26 dernières années. Le Foyer Gouvernail est une ressource pour les jeunes de 12 à 18 ans qui ont des troubles de comportement, qui sont souvent causés par des traumas ou des troubles d'attachement importants. Quelquefois, ça peut être aussi le fait que les parents ont eu une perte de contrôle au niveau de la maison. Notre rôle, notre objectif principal, c'est vraiment de réintégrer les enfants dans le milieu familial. La Maison Ted est un organisme, aussi sans but lucratif, qui offre des services à des jeunes sous le spectre de l'autisme. Depuis des années, c'est certain que le manque de consultation entre divers secteurs, tels que l'éducation, la santé mentale, la sécurité publique, le ministère du Développement social et nos ressources ont joué des rôles importants en ce qui concerne l'instabilité émotionnelle et mentale de certains de nos jeunes dans nos ressources et de leur famille. Dans le passé, le manque d'encadrement clinique a fait beaucoup de dommages à certains de nos jeunes et à leur famille, car leurs responsabilités n'étaient pas suffisamment définies et prises en considération. Cette ambiguïté du passé a causé également une grande détresse chez certains de nos jeunes, qui ont résulté par des admissions assez répétitives en instituts psychiatriques ou à l'hôpital, sans compter certaines interventions policières dues à une incompréhension de cette même détresse. Lorsque la violence envers soi ou envers les autres devient la seule porte de sortie pour nos jeunes, il faut être en mesure de reconnaître que notre système d'encadrement n'était plus, à ce moment-là, suffisant et qu'il fallait faire des changements. Le Modèle d'encadrement clinique des ressources pour enfants-jeunes est venu se greffer de façon naturelle, vraiment, au Gouvernail et à la Maison Ted depuis 2016. Avec l'ajout d'un psychologue clinicien du ministère du Développement social, on a réellement vu une différence importante dans la livraison de nos services.
Les éducateurs et les éducatrices avaient beau, dans le passé, vouloir faire toute une différence dans la vie des jeunes qui leur était confiée, mais, pour ce faire, ils devaient être en mesure d'obtenir les ressources nécessaires pour atteindre leurs objectifs, ce qui n'était pas toujours le cas dans le passé. Depuis la mise en place des équipes de consultation clinique, nous avons observé une amélioration assez significative et une reconnaissance des autres secteurs face à l'expertise des intervenants de première ligne, c'est-à-dire nos éducateurs et nos éducatrices. Nos employés sont en mesure d'exprimer leurs succès et leurs défis et ainsi obtenir les ressources nécessaires pour les aider à mieux cibler les besoins des jeunes. Le fait que la voix des jeunes devient une priorité lorsqu'il s'agit de répondre à leurs besoins, il devient plus facile de créer une base de pyramide solide qui débute avec la nécessité de se sentir en sécurité. Il y a des moments où il faut savoir s'ajuster pour éviter que les situations dégénèrent. Souvent, il suffit d'ajouter, de façon temporaire, un employé supplémentaire pour mieux encadrer un jeune et le sécuriser. Ces interventions préventives ont eu des résultats positifs aux nombres d'hospitalisations ou d'interventions policières. Depuis les sept dernières années, aucunes fugues ou hospitalisations ne furent signalées. Le fait que nos équipes soient entendues, que des relations de confiance se soient installées entre nous dans un même but commun, soit d'assurer à amener les enfants à reconstruire les bases de leur identité et les aider à retrouver une capacité d'attachement suffisante pour poursuivre leur développement dans une famille, me rassure énormément sur l'importance de ces équipes de consultation clinique. Cette même équipe permet de construire un filet de sécurité plus solide autour des jeunes et leur famille. Les besoins des jeunes admis au Gouvernail, à la Maison Ted ou dans nos appartements sont de plus en plus complexes.
Pourtant, nos taux de succès sont les plus importants depuis l'implication des équipes de consultation clinique. Le succès de nos interventions commence par la reconnaissance des besoins de tous les participants autour d'une même table. Il faut sortir des sentiers habituels pour venir en aide à une famille. Nous devons continuer de le faire sans hésiter. Ces mêmes équipes comprennent de plus en plus l'importance d'avoir un plan de sortie, et ce, dès le début du placement, car il est primordial pour le jeune et sa famille de savoir qu'il y a un début et une fin à n’importe quel service, que nous sommes uniquement là pour les accompagner dans ce processus. Pour avoir confiance en l’avenir, il faut savoir où on va pour continuer d'avancer. C'est l'une des bases de l'évolution de l'être humain. Les équipes ont présentement un langage commun lorsqu'il s'agit de parler des troubles de santé mentale, de traumas, et des troubles d'attachement, ou même des défis neurologiques dus à un diagnostic de troubles du spectre de l'autisme. Ces défis ne sont plus la responsabilité d'une seule personne, mais d'une équipe qui est bienveillante, qui cherche à trouver des solutions pour apaiser la souffrance et la détresse que vivent certains jeunes et leur famille. Ce qui est intéressant, c'est que là on se rend compte qu’on ne travaille plus vraiment de façon isolée. Ces équipes font énormément une différence justement pour réintégrer les jeunes dans leur famille, s'assurer que leur santé mentale va bien ainsi que celle des familles.
Stéphane Noël : Bonjour. Je m'appelle Stéphane Noël, psychologue au ministère du Développement social. J'ai participé à l'élaboration et à la rédaction du Modèle d'encadrement clinique pour enfants-jeunes. Je suis présentement le consultant clinique pour le Foyer Le Gouvernail et la Maison Ted. Au besoin, j'effectue aussi des évaluations psychologiques pour les jeunes qui sont accompagnés par le ministère du Développement social.
Après quelques années, il ressort que le modèle ait contribué à l'efficacité de l’accompagnement clinique ainsi qu'au renforcement de la capacité du milieu à répondre aux besoins des situations complexes. Nous remarquons aussi que les principaux intervenants sont en mesure d'acquérir une plus grande autonomie d'intervention. Par la suite, le fait que chaque discipline et domaine de connaissances reçoivent une considération équivalente, nous observons que les parents, les intervenants et même le jeune lui-même sont de plus en plus à l'aise d'exprimer leurs préoccupations et leurs opinions sans crainte d'être jugés. D'ailleurs, les familles d'accueil et les parents biologiques nous disent qu'ils sentent qu'ils font davantage partie du processus, qu'ils se sentent accompagnés, respectés et revalorisés dans leur rôle.
Avant la mise en opération du modèle, la complexité des dossiers faisait en sorte que les intervenants devenaient épuisés dû au fardeau de la tâche qu'ils avaient l'impression de porter sur leurs seules épaules. Ces dernières années, les intervenants verbalisent être plus motivés à rester impliqués de manière plus continue dans les dossiers complexes. Ce sentiment de responsabilité est maintenant efficacement diffusé parmi les travailleurs primaires faisant partie de l’ECC. Enfin, tous les partenaires sont davantage en mesure de reconnaître la valeur des connaissances et du travail de chacune des personnes impliquées. Nous sommes donc convaincus que le travail multidisciplinaire amène à une combinaison efficace des efforts pour arriver à un meilleur résultat.
En ce qui concerne l'approche thérapeutique comme telle, il est important de souligner que tous les intervenants primaires de l'équipe reçoivent des formations pour améliorer les services offerts aux jeunes et que les rencontres des ECC représentent des occasions de formation continue par rapport aux défis spécifiques de chaque jeune. Pour ce qui est de la continuité du suivi, toutes les personnes qui partagent l'environnement du jeune présentes aux rencontres de l’ECC ont l'occasion d'apporter une bonne rétroaction sur la situation et par rapport à leurs observations et réflexions. Les ECC sont donc très inclusives par rapport aux parents, qu'importe le statut de l'enfant, et toujours dans l'intérêt supérieur de ce dernier.
Le Modèle d'encadrement clinique facilite la survie de la présence du réseau naturel de ces jeunes, vers lequel ils pourront souvent choisir de retourner à l'âge de la majorité. Parce que leurs parents ont été accueillis aux ECC, ils ont eu la chance d'améliorer leurs connaissances et ont eu le soutien nécessaire pour s'ajuster aux besoins de leurs enfants. Dans certains cas, les parents ont aussi été accompagnés pour accepter des services pour eux-mêmes.
L'engagement et la complicité de tous les intervenants envers le Modèle d'encadrement clinique est maintenu par la cadence des rencontres régulières de l’ECC. De cette façon, un lien de confiance s'établit graduellement entre les intervenants et les parents du jeune, ce qui fait que si une situation de crise survient durant une visite du jeune au domicile, les parents sont à l'aise de contacter le personnel de l'établissement thérapeutique ou la famille d'accueil pour les aider à résoudre la situation. Au besoin, le personnel ou la famille d'accueil peut se rendre à domicile afin de résoudre la situation, généralement sans que le jeune ait à interrompre sa visite. Ces situations de crise deviennent donc des occasions d'apprentissage pour le jeune et ses parents, qui leur permettent de reprendre graduellement leur rôle respectif.
Pour finir, je tiens à souligner que la mise en place de ce Modèle d'encadrement clinique n'aurait pu être réalisée sans le leadership et le support inconditionnel de M. Reno Lebouthillier et de M. André Gionet, nos gestionnaires au ministère du Développement social et aux Services de santé mentale.
Pierrette Desfonds : Bonjour. Je me présente, Pierrette Desfonds, famille d'accueil depuis maintenant 30 ans. Je vais vous raconter mon expérience personnelle avec un de mes jeunes qui demeure avec nous depuis sept ans et demi. Lorsqu'il est arrivé, il était âgé de 10 ans. Il demeurait dans un foyer de groupe au Passage depuis deux ans. Après deux ans de placement avec un encadrement continu, son fonctionnement s'est suffisamment stabilisé pour qu'ils l'intègrent dans une famille d'accueil. Le jeune désirait sincèrement avoir une famille. Ses parents étaient impliqués et gardaient toujours espoir de le reprendre avec eux, mais ils n'ont pas pu lui offrir l’encadrement, la structure et la constance dont il avait besoin.
Le travailleur social des familles d'accueil nous a approchés pour explorer les possibilités pour l'accueillir chez nous. Après avoir lu son dossier et les rapports qui présentaient ses différents diagnostics, soit un trouble de l’attention avec composante impulsive, un trouble d’opposition avec provocation, un trouble de conduite et un trouble de l’humeur et aussi trouble d’apprentissage, on a quand même décidé d'aller de l'avant pour lui offrir une famille. Pendant le premier mois, n'allant pas à l'école et étant aussi dans la période de la lune de miel, le jeune s'est bien intégré à la famille malgré quelques accrochages. Le tout a bousculé lorsqu'il est rentré à l'école. Il a eu des comportements violents et agressifs, autant à l'école, dans l’autobus scolaire ainsi qu'à la maison. Il s'est même sauvé à quelques reprises.
Nous avons vécu des périodes d'instabilité pendant trois ans. Nous avons essayé de trouver des solutions avec la travailleuse sociale du Développement social chargée de mon jeune, mais sans succès de stabilisation. Ayant demandé un rendez-vous chez le psychiatre à Bathurst pour ajuster sa médication, la situation s'est encore dégradée. Il voulait se jeter en dehors de la voiture. Il a même mentionné qu'il pourrait me faire mal, car il voulait aller en prison. J'ai dû lui faire la promesse que je lui ferais visiter la prison afin qu'il se calme dans la voiture. Il faut mentionner que je dois faire deux heures de route entre chez moi et le bureau du psychiatre. Je devais reprendre mon calme pour la durée de la route. Le retour à la maison est devenu encore plus violent. J’ai dû appeler le 9-1-1 et ils l’ont amené à l'unité psychiatrique de l'hôpital de Bathurst. Il a été hospitalisé pendant sept jours pour un ajustement de sa médication.
De retour à la maison, ce n'était pas toujours facile : crises, pas de travaux scolaires, pas de retour à l'école. La travailleuse sociale qui est responsable de mon jeune m'a expliqué qu'ils allaient mettre en place une équipe de consultation clinique, car nous devions trouver des solutions. Son placement chez nous devenait de plus en plus fragile. Nous voulions de l'aide pour qu'il puisse continuer à demeurer avec nous et afin de nous offrir une meilleure qualité de vie. La travailleuse sociale m’a dit que nous allons être la première famille d'accueil à mettre en place une équipe de consultation clinique. Alors, ils ont mis l'équipe de consultation clinique en place.
À la première réunion, quand j'ai vu tous ces gens autour de la table, travailleuse sociale du jeune, psychologue, travailleuse sociale no 3 du ministère du Développement social, travailleuse sociale de la Santé mentale, enseignant(s), membre(s) de la direction, je me suis dit : « Ouf! J'ai manqué le bateau avec mon jeune. » Mais ils m'ont vite rassurée, mise à l'aise, et c'est là que tout a changé. On a discuté, point par point, des comportements du jeune. Ils ont trouvé des stratégies pour nous aider à l’aider. Après avoir entendu les points de vue de tous les partenaires et discuté de la situation familiale, il a été déterminé d'avoir deux équipes de consultation clinique : l'une pour l'école, car il devait avoir plusieurs ajustements; et l'autre pour faire les ajustements à la maison. Ceci représentait deux révisions de plans communs par mois. Il est certain que l’on prenait un problème à la fois, mais, au bout d'un an, à la fréquence de deux ECC à tous les mois, le jeune est retourné graduellement à l'école à demi temps. Il avait moins de crises à la maison et plus de stabilité.
Les ECC ont permis une meilleure coordination des services et des interventions. Au fil des mois, toujours avec l'aide de l’ECC, le temps scolaire de mon jeune a augmenté à demi temps, mais il ne pouvait toujours pas prendre l’autobus le matin. À ce moment, il était au primaire. Ma grosse crainte était l’entrée au secondaire. Mais encore avec l'aide de l’ECC, un programme en tâches autonomes a été mis en place à l'école pour modifier son apprentissage. Il demeurait toujours à demi temps et cela fonctionnait quand même assez bien. En 2016, on a déterminé de combiner les plans communs, devenus seulement un plan. Nous pouvions adresser les besoins des deux secteurs, soit l'école et chez nous. Les équipes de consultation clinique sont toujours maintenues au mois.
Depuis qu'il est chez nous, les contacts avec ses parents sont maintenus. La fréquence est évaluée selon les réactions de mon jeune après les visites et aussi la décision est prise avec l’ECC. Nous sommes très conscients que c'est un contexte important pour mon jeune, mais avec l’ECC on trouve des stratégies pour maintenir les liens familiaux. Sans jamais lâcher nos rencontres mensuelles, mon jeune s'est toujours amélioré. Maintenant, il est en onzième année, il est à temps plein à l'école et prend l'autobus. Il a deux amis, ceci est très important pour lui car il n'avait pas d'amis. Il a encore des comportements violents, mais il a la capacité de se retirer, réfléchir et venir nous en parler. À la maison, il est respectueux même s'il ne comprend pas toujours, mais il cherche à s'améliorer et veut demeurer avec nous. La travailleuse de la Santé mentale a été essentielle à ma santé mentale, car elle est restée impliquée pour nous offrir du soutien et des conseils, bien que mon jeune ne voulait pas la voir. Ses interventions m’aidaient avec lui sans qu'il le sache, lorsque nous avions des petits écarts entre nous. Ceci me permettait d'avoir un moment pour moi pour vider mon sac sans jugement.
En plus, sa médication a diminué et il est plus heureux. Nous n’avons pas eu recours à une admission à l'unité psychiatrique et aucune intervention policière. Le psychiatre traitant est très impressionné par le cheminement du jeune. Il ne pensait jamais qu’il se serait adapté à la vie familiale. Imaginez-vous qu'on peut même diminuer la fréquence de nos rencontres avec les ECC et moins de personnes impliquées. Maintenant, nous avons un plan commun aux trois mois.
Pour conclure, mon jeune est maintenant stable. Et sans cette équipe, je ne sais pas où il serait. Je suis convaincu qu’il serait en prison ou en psychiatrie. Pour moi, ils lui ont sauvé la vie. Il peut maintenant regarder vers l'avenir, même avec ses retards et ses défis. Je lui ai fait la lecture de son histoire et il a eu les larmes aux yeux, il m'a dit que c'était très beau. J'ai aussi le même service avec mes autres jeunes et ça va très bien. Étant famille d'accueil depuis 30 ans et bénéficiant des équipes depuis cinq ans, j’ai pu observer la différence dans les interventions et la rapidité à trouver des solutions. Ils peuvent maintenant enfin atteindre le bonheur. Merci.
Shannon Haché : L'équipe de consultation clinique est un partenaire très important pour le système scolaire. La majorité des élèves qui bénéficient de ce suivi rigoureux sont des élèves qui ont des particularités et des besoins complexes. Pour bien fonctionner dans l'environnement scolaire, il est souvent nécessaire de mettre en place des interventions individualisées qui tiennent compte de leurs besoins spécifiques. Les intervenants scolaires ainsi que l'équipe des enseignants d'appui aux écoles ont donc la chance de collaborer avec des membres de l'équipe clinique dans la mise en place de ces interventions. L'expertise des différents membres des équipes est essentielle et mise à contribution. Nous avons l'occasion de consulter notamment un psychologue qui peut répondre à nos questions et surtout nous aider à mieux comprendre les spécificités de chaque jeune qui est suivi. Nous pouvons donc élaborer des plans de façon plus éclairée et en ayant une meilleure compréhension du jeune.
Les membres de l'équipe issus des résidences spécialisées nous apportent aussi un très grand appui. C'est une communication directe avec les intervenants. Nous pouvons donc nous assurer d'une cohérence dans les interventions. Nous avons aussi l'occasion d'échanger sur les façons d'intervenir, ce qui fonctionne mieux et pourquoi. Parfois, ce sont de petits partages qui font une grande différence. Pour vous donner un exemple, nous avions un jeune qui était à la recherche de contrôle. Mais, dans les recommandations des professionnels, il ne devait pas avoir de contrôle pour l'instant puisque nous devions faire de l'enseignement au préalable. En discutant lors d'une rencontre ECC, nous avons réalisé que le jeune prenait souvent un déjeuner supplémentaire à l'école. Nous avons donc été en mesure de trouver une façon efficace de communiquer au niveau des besoins en nutrition du jeune.
Pour un autre jeune, nous avons créé une histoire sociale pour tenter d'éliminer un comportement problématique qui avait lieu dans le milieu scolaire et au lieu de placement. L'équipe scolaire a donc personnalisé cette histoire sociale pour l'adapter au lieu de placement afin d'assurer une cohérence dans les interventions. Le comportement problématique de ce jeune a été éliminé.
En équipe de consultation clinique, nous discutons aussi de comment limiter les impacts des changements auprès des gens. Plusieurs de nos jeunes, en particulier ceux qui sont sous le spectre de l'autisme, ont de la difficulté à gérer les changements. Leurs plans incluent souvent des augmentations graduelles des visites à la maison, de temps de fréquentation scolaire, d'ajouts de demandes académiques, et cetera. Bien que ces plans soient songés et validés en équipe, s'ils augmentent tous en même temps, ils peuvent devenir une source d'anxiété chez le jeune. Donc, lors des rencontres, l'équipe peut discuter et déterminer quels changements seront priorisés et comment nous allons nous assurer que cette transition se passe bien. Au niveau scolaire, l'équipe des enseignants d’appui prend des données et en fait l'analyse, ce qui nous permet d'évaluer l'impact des changements. Cette belle intégration des intervenants du milieu scolaire au sein de l'équipe de consultation clinique est l'une des initiatives qui fait en sorte qu'il y a beaucoup moins de jeunes qui sont en retrait des établissements scolaires. Avec les continuums de retour à l'école, les continuums d'entrée progressive, des plans d'intervention individualisés, et cetera, nous sommes en mesure de faire vivre des succès à ces jeunes tout en respectant leurs capacités actuelles et en permettant le développement de leur potentiel.
Julie Gionet : Bonjour. Nous sommes parents de deux enfants : une fille de 20 ans et un garçon de 17 ans atteint d'autisme. Notre garçon habite à l'établissement thérapeutique Le Passage depuis ses 14 ans – donc, trois ans déjà. Son départ pour Le Passage n’a pas été une décision facile, mais la situation était telle à la maison, à l'école, autant que le voisinage était très difficile, au point que mon conjoint a dû arrêter de travailler de jour et se trouver un emploi le soir pour que moi je sois là le soir et lui le jour soit à la maison, parce qu'il demandait trop d’attention pour le laisser à une gardienne.
Puis, à l'occasion d'un dîner à l'école avec nos enfants, il est arrivé une situation que mon garçon s’est fait jeter hors de l'école. Mon conjoint est revenu à la maison avec lui, moi je suis restée avec la directrice pour discuter avec elle. C'est là qu’elle m'a proposé de rencontrer une personne en développement social pour avoir de l’aide. Mais à l'école, nous avions déjà une conseillère en autisme qui nous donnait de bons trucs et des conseils à la maison, et ça fonctionnait bien. Il y a même des spécialistes de Fredericton qui sont venus à l'école mettre des choses en place pour qu'il fonctionne mieux, mais plus rien ne fonctionnait. La travailleuse sociale m’a alors convaincue d'accepter leur aide.
À partir de là, deux personnes du ministère du Développement social se sont occupées de nous. Ils ont fait des visites à notre maison, nous autres à leur bureau, puis, tous ensemble, on a fait un rapport détaillé sur les besoins de notre garçon. À ce moment-là, il est convenu que la Maison Ted serait un endroit approprié pour l'accueillir, pour nous laisser, nous donner un petit break de temps en temps. On y a fait une première visite avec nos enfants pour rencontrer le personnel et visiter la maison. Par la suite, la deuxième étape, c'est que Justin, il faisait un dodo, donc on a été l’amener le soir et on allait le rechercher le lendemain matin. Mais il y a eu un incident durant la soirée qui a modifié les plans, parce que notre fils demandait trop de supervision pour la Maison Ted. Là, avec les travailleurs sociaux, on envisage une seconde option, qui est la maison Passage. Il pourrait y entrer dès qu'une place serait libre. Les travailleurs sociaux nous ont accompagnés durant tout le processus.
Le jour de son entrée, on lui a conté un mensonge, à notre garçon, pour pouvoir le convaincre de venir avec nous autres en voiture. Son papa lui a dit qu’il allait rencontrer un garagiste qui travaille. Et vu que c’est dans son intérêt, les voitures, il était content de venir prendre une drive, là. Donc, on n’a pas eu de misère à l'amener là. Mais ça, c'est une menterie que je m’en veux encore de lui avoir faite, et il nous en parle encore de cette menterie-là. Parce que j'ai toujours essayé de dire la vérité, mais on ne voulait pas que ça devienne trop difficile d'aller là. Je me rappelle de cette journée comme si c'était hier. J'étais un vrai robot. J'étais tellement nerveuse. Puis, les pensées, j’en avais pas, là. Je fonctionnais vraiment comme un robot et mon conjoint aussi. Mais dès qu'on est arrivés au Passage, les conseillers nous ont pris en main. Ils ont expliqué à Justin pourquoi il était là et qu’il devait rester avec eux pour un bout de temps. Ça fait, ç’a pas été facile de revenir à la maison sans lui. Pas pantoute.
Par la suite, bien, on a eu des rencontres ECC aux trois semaines, et les intervenants qui participent aux ECC ont tous un rôle spécifique à jouer dans le bon intérêt et le bien-être de notre garçon et de son entourage. Entre-temps, nous autres, bien, on peut téléphoner n'importe quand à la résidence, quand on est inquiets, pour demander des nouvelles. C'est sûr qu'au fur et à mesure des rencontres, il y a des choses à modifier, des resserrements de sécurité aussi qui doivent être mis en place. Et nous autres, on est mis au courant au fur et à mesure de tout ce qui se passe. À un moment donné, ça va bien. Puis, mon fils peut venir chez nous les fins de semaine. Mais au courant d’une fin de semaine, il a commis quelque chose de très grave. Il est retourné au Passage tout de suite et il y a eu une ECC de faite d'urgence. Par la suite, vu que son anxiété suite à cette tragédie augmente, il devient comme hors de contrôle. Puis là, il est transporté à l'hôpital de Caraquet, en isolation pour deux jours. Nous autres, on va là l’accompagner la nuit, puis les conseillers de Passage restent avec lui le jour. Ça s'améliore un peu, c'est le retour au Passage, mais là, à nouveau, ça déraille puis c'est à l'hôpital de Bathurst qu'il doit aller en isolation. À Bathurst, c’est hors des limites, et le médecin appelle les intervenants, puis il veut juste, lui, appeler la police et envoyer mon garçon en prison tellement que ça va mal.
Une autre ECC d'urgence est faite. On réussit à convaincre le médecin que c'est rien que pas envisageable d'envoyer un jeune autiste en prison. Puis, à partir de là, il est admis à l'unité spéciale pour jeunes à l’hôpital de Moncton, pour près de deux semaines. Là, son comportement s'est amélioré, puis, il revient à la résidence. Mais suite à la tragédie, bien, c'est sûr qu'il y a eu des évaluations psychologiques à l'hôpital de Campbellton, des passages au tribunal, puis ça a duré longtemps, mais ç’a fini avec une année de probation pour Justin au Passage. Il y a tellement eu de choses en place autour de Justin pour que cette année se passe bien, que ça s'est bien passé. Son année de probation est finie et c'est un succès total.
Tout ce qui a été mis en place autour de notre garçon, c'est extraordinaire. Les personnes qui s'occupent de lui, c’est des bonnes personnes. On le voit et on s'en aperçoit, il est entre bonnes mains. Puis une chance pour ça, parce que c'est la raison pourquoi c'est plus acceptable pour nous autres qu’il soit plus avec nous autres, qu’il soit plus avec nous autres. On l’aime, notre garçon. Il nous manque beaucoup, mais on peut le voir deux fois par semaine. On s'appelle à tous les soirs. Puis, jamais je n'aurais pu imaginer passer à travers toutes ces épreuves sans le support de la belle équipe du Passage et de l’ECC. Depuis les trois ans derniers, ils nous suivent et c'est quasiment une deuxième famille pour nous autres. Ils nous ont supportés durant toutes ces épreuves. Nous n'avons que des remerciements, moi et mon conjoint, des remerciements et de la gratitude à leur égard. Nous approuvons grandement que le même système soit mis en place pour les autres régions du Nouveau-Brunswick. Ça peut juste apporter du positif aux jeunes en difficulté et à leur famille. Et pour finir, nous tenons à vous remercier de nous avoir permis de vous dire ces quelques mots. Un gros merci.
Loretta O’Connor : Merci à Danièle Loubier, Roland Landry, Sonia Ferguson, Gisèle Breau, Stéphane Noël, Pierrette Desfonds, Shannon Haché et Julie Gionet pour le témoignage concernant le succès du Modèle d’encadrement clinique. Votre contribution à titre de travailleurs sociaux, de psychologues, et de parents est d’une valeur inestimable pour la santé mentale des enfants et des adolescents du Nouveau-Brunswick. Nous allons maintenant accueillir, pour le mot de la fin sur le succès reconnu du Modèle d’encadrement clinique, la ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, madame Dorothy Shephard.
Ministre Dorothy Shephard : À titre de ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, je tiens tout d'abord à remercier toutes les personnes qui nous ont aidés à développer ce modèle unique en son genre et à le mettre en œuvre. Les parties prenantes, les cliniciens, les clients et leurs familles, ainsi que toutes les personnes qui ont partagé leur histoire et nous ont fait part de leurs commentaires : merci.
Ce modèle démontre que tous les partenaires peuvent reconnaître la valeur du travail de chacun. Le travail multidisciplinaire permet de combiner efficacement les efforts pour obtenir un meilleur résultat. Le Modèle d'encadrement clinique de la Péninsule acadienne a reçu plusieurs prix et autres formes de reconnaissance au cours des trois dernières années, dont les suivants : le Prix d'excellence de développement social remis par des hauts fonctionnaires du ministère du Développement social du Nouveau-Brunswick en novembre 2018. En mai 2019, la Fondation Graham Beck a invité l'équipe de la Péninsule acadienne à présenter le modèle à plusieurs groupes de l'ensemble du pays. En avril 2020, le Modèle d'encadrement clinique élaboré dans la Péninsule acadienne a reçu le prix Merck Patients First.
Ce sont des idées créatives et innovantes qui permettent d'élaborer des programmes comme le Modèle d'encadrement clinique. Elle renforce la capacité du cadre à répondre aux besoins découlant de situations complexes. Merci aux membres de l'équipe qui ont travaillé d'arrache-pied pour donner vie au modèle.
L'amélioration de la santé de la population, l'accès aux services, les interventions sont des priorités clés en ce qui concerne les soutiens et les services de traitement des dépendances et de santé mentale dans notre province. Avec la publication de son dernier Plan quinquennal intergouvernemental de traitement des dépendances et de santé mentale, le gouvernement s'est engagé à faire en sorte que la population du Nouveau-Brunswick, y compris les enfants et les jeunes, puisse facilement consulter les services de santé mentale supplémentaires et y accéder. Compte tenu des résultats du Modèle d'encadrement clinique, notre gouvernement a hâte de l'étendre à un plus grand nombre de communautés, d'accroître l'accès à des soutiens d'une plus forte intensité lorsque les équipes de soins, les enfants, les jeunes et leur famille en ont besoin.
Loretta O’Connor : Merci madame la ministre Shephard pour vos commentaires qui montrent bien que le Modèle d’encadrement clinique aide concrètement les jeunes avec des besoins particuliers en santé mentale au Nouveau-Brunswick. C’est là un excellent exemple pour d’autres gouvernements aux prises avec des problématiques de ce genre.
Soyez des nôtres la semaine prochaine alors que nous vous présenterons une initiative primée mise sur pied à Terre-Neuve-et-Labrador : Navigapp est un outil en ligne offrant des ressources utiles, en ligne et dans leur région, aux personnes qui ont besoin d’accompagnement et d’aide en santé mentale ou pour un problème de dépendances.
Merci de votre écoute!